Les complexes du chercheur d’emploi

J’amorce parfois les formations préparatoires à la recherche d’un stage ou d’un emploi avec la question suivante : « Combien d’entre vous aimez la recherche d’emploi ? ». Au mieux, une main ou deux se lèvent, timidement.

Bien entendu, plusieurs facteurs influencent l’aisance qu’une personne peut avoir au cours du processus de recherche d’emploi. De façon générale toutefois, le chercheur d’emploi étant dans une situation plus vulnérable, est souvent aux prises avec des inconforts susceptibles de nuire à l’atteinte de ses objectifs.

Je vous présente ici 4 cas de figure, inspirés de faits réels, afin d’illustrer les complexes du chercheur d’emploi.

1- Être « licheux »

Sarah est emballée par une conférence à laquelle elle a assisté dont le thème est en parfait accord avec ses études, ses intérêts, ses valeurs et ses préoccupations. Elle aurait aimé établir un contact avec la conférencière afin d’en savoir davantage sur son organisation et explorer la possibilité d’une collaboration future. Plusieurs semaines s’écoulent sans qu’elle y parvienne. Quand je la questionne sur ce qui l’a empêchée d’aller de l’avant, elle me répond : « J’ai peur d’avoir l’air «licheuse ». « Être licheux », utilisé dans le langage populaire québécois, désigne une attitude flatteuse dans l’intention d’obtenir des faveurs.

Pourtant, il n’est question ni de flatterie, ni de faveur, puisque la démarche de Sarah est pleine de sens et de sincérité. En effet, elle est en continuité avec son parcours et ses objectifs professionnels. De ce fait, l’employeur a tout intérêt à accueillir sa proposition et à s’y attarder. Malheureusement, cette crainte a eu comme effet de neutraliser l’élan de Sarah.

Communiquer sa passion pour la problématique abordée par la conférencière en partageant les travaux qu’elle a menés, les lectures qu’elle a faites ou tout simplement sa compréhension des enjeux impliqués dans cette question pourrait être un moyen d’interpeller celle-ci et de susciter son intérêt à en savoir davantage sur le parcours de Sarah.

2- Être vaniteux

Alexei, originaire de la Russie, poursuit ses études de deuxième cycle en communication. Il a développé une expertise en gestion de crise organisationnelle et aimerait pouvoir mettre à profit son bagage dans le cadre d’un stage.  Je lui reflète que sa lettre de présentation ressemble davantage à un essai philosophique sur les vertus du travail d’équipe qu’à un texte mettant de l’avant ses compétences.  « Je ne suis pas à l’aise de parler de mes qualités et de mes forces dans ma lettre. Je ne veux pas avoir l’air de me vanter ». N’allez pas croire que ce complexe n’est propre qu’aux candidats internationaux, il est aussi très répandu chez les québécois et renvoie à un véritable malaise à l’idée de devoir  « se vendre ». D’ailleurs, il serait plus juste d’utiliser « se mettre en valeur ». Reconnaître les forces de sa candidature en lien avec les exigences du poste et les mettre en valeur avec conviction est toutefois un exercice incontournable si l’on veut être remarqué et se distinguer. Il ne suffit pas de les nommer toutefois. Pour établir sa crédibilité, il faut pouvoir les appuyer par des faits ou les illustrer par des exemples.

3- Être impertinent

Stéphanie est au baccalauréat en communication et elle a cumulé diverses expériences en vente dans l’industrie de la mode. Elle a choisi le secteur agro-alimentaire  pour réaliser un stage en relations publiques. Lorsque je la questionne sur les motifs de ce choix, qui m’apparaît plutôt surprenant, elle me parle de son enfance. Fille ainée de parents agriculteurs, Stéphanie a évolué dans un milieu agricole. Elle a participé au développement de l’entreprise familiale et côtoyé des dizaines de producteurs, amis de la famille. Ce choix s’est donc imposé de lui-même. Ainsi, ce qui m’apparaissait surprenant au départ pris alors tout son sens. Je lui suggère donc d’ajouter ces éléments à sa lettre de présentation afin d’exposer les fondements de son choix et d’appuyer sa connaissance de la culture et des enjeux de ce secteur d’activité.  Sa réaction fut spontanée : « Ça se dit ça ? Vraiment ? ». Elle ajoute : « Je n’aurais jamais osé… ».

La réaction de Stéphanie n’est pas un cas isolé. Bon nombre de chercheurs d’emploi ne voient pas la pertinence de mettre en évidence les événements ou les acteurs de leur vie personnelle qui ont façonné leur projet professionnel. Ils auraient l’impression de « sortir du cadre » s’ils le faisaient. Plusieurs jugent qu’il faille négliger ce qui pourrait être considéré anecdotique par crainte de perdre leur crédibilité. Ex. : « Je ne dirais jamais ça en entrevue, mais j’avais une tante infirmière et … ». Les éléments de l’histoire personnelle sont pourtant très efficaces pour démontrer que le candidat ne se présente pas à l’employeur « par défaut », qu’il a un intérêt réel pour l’emploi. Ils permettent de donner du sens et du crédit à la démarche du chercheur d’emploi.

4- Être dérangeant

Raphaël a développé une expertise dans un domaine de pointe du désign et compte plusieurs années d’expérience. Il soumet sa candidature pour enseigner au collégial. On lui reflète que son profil est particulièrement intéressant et on l’invite à joindre son portfolio à sa candidature dans un court délai. Il manque de temps pour peaufiner son document dont le résultat lui apparaît  toutefois satisfaisant. Malheureusement, il n’est pas convoqué en entrevue et l’employeur ne donne pas suite à sa démarche.

Il me fait part de son questionnement et de ses doutes. Comment se fait-il qu’il n’ait reçu aucune nouvelle de l’employeur alors que ce dernier semblait pourtant emballé par sa candidature ? Se peut-il qu’il ait été déçu par ses réalisations ? Les pièces choisies étaient-elles pertinentes ? Le format convenait-il aux attentes du Cégep ? Raphaël m’apparaît sérieusement tourmenté par toutes ces questions laissées sans réponse. Il aimerait que je puisse l’éclairer, mais je l’invite plutôt à aller chercher une rétroaction auprès de l’employeur qui pourra lui donner l’heure juste. Il s’étonne : « Ah oui ? Je peux faire ça ? Ça se fait ? »

Pour être en mesure de poursuivre ses démarches avec confiance, Raphaël a certainement intérêt à aller chercher des réponses à ses questions.  S’il s’avère juste que son portfolio, ou un autre aspect de sa candidature, ait été perçu comme une faiblesse, il est essentiel de solliciter une rétroaction constructive permettant de rectifier le tir. D’autre part, il faut envisager cette initiative comme une occasion de se mettre en valeur et de créer une relation avec l’employeur. Lorsque la démarche est menée de façon professionnelle, elle ne peut qu’être profitable. La capacité de prendre des risques et de prendre les moyens pour réaliser ses ambitions n’est-elle pas une qualité recherchée pour établir des partenariats, initier des projets, contribuer au rayonnement d’une organisation ?

Et vous, qu’est-ce qui vous empêche d’aller de l’avant ? Échanger avec votre conseiller en emploi peut vous aider à identifier les obstacles que vous rencontrez et à profiter d’un accompagnement dans cette aventure souvent exigeante, parfois déstabilisante qu’est la recherche d’un emploi.

Ne restez pas dans l’impasse, allez chercher de l’aide.